Home Un Récit de Transcendance

Il y a eu un point dans ma vie où j'ai étroitement frôlé le bord du suicide. Personne ne l'aurait deviné, mais j'étais très insatisfait de ce que la vie avait à m'offrir. Je n'étais pas une personne particulièrement triste ; en fait je vivais une vie relativement bonne. Les amis, l'argent, l'intelligence étaient toutes des choses auxquelles je trouvais des défauts mais certains pourraient dire que j'étais ingrat ; je réfute cette assertion en demandant quoi exactement ces choses étaient censées m'apporter pour que je doive en être reconnaissant. La vie était fade ; j'étais dégoûté de la société, des huit heures de travail typiques qui ne servaient qu'à ce que je puisse m'acheter plus d'insignifiants objets en plastique qui ne m'apportaient aucun plaisir. J'avais vécu avec ces sentiments la plus grande partie de ma vie mais ce fut seulement à ce moment particulier que j'en étais devenu vraiment dégoûté et que j'ai finalement décidé d'agir.

J'avais deux choix, soit laisser tous ces riens sans finalité derrière moi et rechercher la majestueuse forme de vie d'un érmite, soit commettre un suicide. La réponse était quelque peu évidente puisque je savais que je n'avais que ces deux choix-là, mis dans un certain ordre. Ainsi donc j'ai décidé de quitter la société sans dire à personne que je vais tout simplement disparaîtraitre. Et c'est ce que j'ai fait.

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Je suis parti dans la forêt ; après m'être considérablement instruit au sujet des moyens de survie j'étais parfaitement préparé pour les difficultés que ces bois auraient à m'offrir. Une sombre caverne, comme l'une de celles où vivaient nos ancêtres du passé le plus primitif, est devenue ma maison. Au début je passais la plupart de mes journées à maintenir la survie, c'était une joie incroyable de pêcher, chasser ou cueillir des plantes durant plusieurs heures par jour, passer environ une heure de plus à s'occuper de diverses autres tâches requises pour rester vivant ; le reste du jour je faisais ce qui me plaisait.

Je consacrais beaucoup de mon temps libre à la méditation profonde. Auparavant, au milieu de la civilisation normale, j'avais creusé beaucoup de formes de spiritualité, du christianisme jusqu'aux aux rituels occultes les plus sombres, j'y avais recherché la satisfaction que chacune d'elles prétendait offrir mais qu'aucune n'a pu me donner. Il y a plusieurs actes qui peuvent fournir diverses sortes de plaisir, certains d'eux induisent des transes où je pouvais me voir dans mes profondeurs et quels secrets étaient détenus dans mon subconscient. Quelle finalité les diverses factions spirituelles ont-elles sinon la méthode par laquelle l'on rejoint son être intérieur ? La méditation m'a fourni du temps pour l'absence de pensées et a ainsi remédié à mon ardent désir d'une satisfaction, mais dans cette caverne j'avais commencé à percevoir comme l'étincelle de quelque chose de différent dans mes contemplations. D'abord comme rien de plus qu'un faible chuchotement d'une odeur de fumée, cela a fini par apparaître comme une pensée tendant ardemment à se développer, pour se laisser finalement entendre dans le silence de cette romantique forme de vie.

Je passais le reste de mon temps libre dans la contemplation ou la création de l'art, parfois de choses utiles telles que des outils ou des armes, parfois pour l'art lui-même en sculptant ou en peignant. Je gravais des scènes abstraites sur les murs de ma caverne, des pensées et les rêves qui devenaient constamment plus forts et plus vifs pendant que j'étais en train de m'ajuster toujours plus intensement aux forces magiques de ce monde naturel.

Il y avait un ruisseau à côté de ma caverne. Je m'asseyais pour des heures, dans la contemplation tranquille, ma concentration aidée par la voix hypnotique de l'eau qui coule. Il m'a parlé ; ses mots ont fait germer tant de nouvelles visions et d'idées dans mon esprit. Les scientifiques du monde soutiennent que nous n'employons que 10% de la capacité de nos esprits, chose entièrement vraie pour ceux qui vivent dans le "monde civilisé." Les anciens à partir de qui nous avons évolué employaient virtuellement leur esprit tout entier ; ils n'ont senti aucun besoin de transmettre leur génie aux générations à venir, leur transcendance leur ayant montré combien cela aurait été vain.

J'ai commencé à ressentir pour un court moment une sorte d'impression de manque à l'égard de ce qui auparavant rendait ma vie si facile, des divers outils et de la technologie, de la richesse qui m'avait toujours mis la paix à l'esprit, et surtout des personnes qui m'avaient exprimé leur affection ; ce sont les choses le plus évaluées par la société et à ce point je les tenais pour quelque chose de certain et de garanti, cependant la pensée de retourner me mettait mal à l'aise. J'étais parti pour une raison précise et j'en étais nulle part par rapport à mon but, je sentais que je suivais le juste chemin, mais je ne savais même pas quel était mon but sinon une satisfaction mentale de l'existence.

J'ai vécu dans cet état pendant très peu de temps ; le regret d'être parti n'était pas une émotion permanente, Dieu merci (ha !). L'une des choses qui mettait en route ma pensée était la préoccupation à l'égard de mes rêves qui commençaient à devenir de plus en plus proches de la réalité, la réalité elle-même devenant de moins en moins tangible. Ce n'étaient pas simplement des rêves ordinaires, ils impliquaient souvent des entités étranges, de sombres abîmes de l'océan, et des lieux dans l'espace dont les fantasistes même les plus déments n'avaient parlé. Je ressentais souvent de l'effroi à ce temps-là, j'obtenais constamment des visions de créatures tellement horribles que je me réveillais, trempé de sueur, le coeur battant, et pour la première fois dans ma vie l'ennui s'en était allé, bien qu'il ait été remplacé par crainte terrifiante. La vie peut être vraiment assez ironique.

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J'ai vécu ainsi durant un certain temps, si je devais faire une évaluation je dirais approximativement trois ans, bien que la réalité était devenue si brumeuse que j'ai vraiment très peu de repères pour m'y baser. C'était pendant cette période, en regardant rétrospectivement, que je ne peux pas me rappeler de ce que je faisais pour la nourriture ; il est fort probable que je recevais de la nourriture mais cela avait si peu d'importance au-delà de l'instict de survie de base que mon esprit n'a eu aucun moyen de retenir de tels souvenirs ; mais je spécule également sur le fait que je pouvais obtenir l'énergie d'autre part. Je me souviens de la lecture au sujet de moines bouddhistes qui pouvaient, avec la seule force de leur volonté et la méditation, maintenir une température de corps normale sans geler sur des montagnes enneigées en portant seulement des habits très légers et des sandales ; s'ils pouvaient obtenir l'énergie d'une source mentale invisible qui donc peut dire que ce n'était pas aussi mon cas puisque j'avais fait plonger mes pensées et mes rêves sur un territoire très inconnu et inexploré. Si peu de gens ont été jusque là, ou au moins si peu en ont parlé ; un certain occultiste isolé de Damas il y a bien des années, quelques écrivains du début des années 1900, et qui peut deviner combien d'innombrables érmites à moitié-fous (ce qui n'était pas loin d'être mon état à ce moment-là).

J'appréciais vraiment ces voyages mentaux jusqu'à ce que les choses ne commencent à devenir plutôt dangereuses, car non seulement mes rêves étaient maintenant beaux et horrifiants bien au-delà de toute description, mais j'avais commencé à remarquer ces entités réussissant à pénétrer dans le domaine physique. Des tentacules noires étaient lancées sur moi des arbres, à certaiens périodes des chiens de chasse ouvraient leurs gueules contre ma conscience et me renvoyaient dans cette caricature abominable de la vie qui évoque tout ce que nous détestons et craignons dans la réalité que nous "connaissons" ; des cris perçants et horribles éclataient au milieu de la nuit juste au dehors de ma caverne, j'attrapais des aperçus de masses émettant des sons inintelligibles flottant tout près de moi en essayant de suivre mon odeur, et tant d'autres phénomènes bien trop effrayants pour même essayer les décrire sans être pris de frissons convulsifs.

A ce moment-là j'avais peur de la vie et de la mort. Je m'aurais pris la vie bien avant si je n'avais pas si peur de ce qui peut attendre mon âme quand elle aurait quitté la fragile protection de mon corps. J'ai essayé d'arrêter les rêves et les visions mais en vain, ils ont juste continué à devenir pires. Bientôt la réalité a commencé à entièrement disparaître, et une nuit je suis descendu dans le plus long rêve fait par un mortel dont on ait parlé. J'étais arrivé dans un monde gris entouré par d'énormes piliers noirs en deux lignes perpendiculaires à la direction vers laquelle je me dirigeais. Leurs lignes se prolongeaient aussi loin que l'oeil puisse voir et j'étais seul dans cet endroit désolé et sans couleur, avec des contours et des imperfections si innaturels qu'ils causaient un effroi instinctif à l'égard de cette extrême étrangeté. Le seul son était celui d'une ambiance spatiale étrange créée par des vents inconnus ou un autre phénomène de ce genre et un siffement glacial d'instruments ressemblant à des flûtes. Ils ne semblaient suivre aucune gamme musicale connue de l'homme ; en fait je crois que là où j'étais j'avais atteint la capacité d'entendre des fréquences de musique qui ne peuvent pas être entendues physiquement par l'organisme humain. Je me suis tenu là parmi les colonnes cyclopéennes, écoutant dans une crainte et une terreur presque aussi indescriptiblement horrifiante que la musique sifflante qui avait envahi ma conscience (ou inconscience si cela n'était qu'une sorte d'état de rêve).

Après un certain temps la musique a cessé et tout ce qui restait c'était le son du vent cosmique. J'ai regardé vers le haut, vers la noirceur étoilée et j'ai vu beaucoup de couleurs, au-delà de l'infrarouge, au-delà de tout sur quoi on ait pu spéculer auparavant, elles étaient incroyablement belles, et comme nous ne pouvons pas décrire les couleurs que nous connaissons à un aveugle, de même je ne pourrais pas transmettre ce qu'étaient les faisceaux et les nuages de poussière qui peuplaient la scène dont j'étais témoin. Peu de temps après j'ai commencé à examiner attentivement la nature de mon être, dans laquelle je pouvais voir au-delà de la vue humaine et entendre au-delà de nos fréquences, et de même pour d'autres puissances étranges dont j'étais doté. Levant mes mains pour les voir j'ai constaté qu'en fait je n'étais pas un être physique ; mes mains étaient invisibles, inexistantes, de même que chaque partie matérielle de moi. En regardant autour j'ai décidé de voyager et j'ai voyagé, voyagé bien plus que ce que nous entendons par ce mot. J'ai voyagé à travers des siècles, des millénaires, des âges ; je savais tout car je n'avais aucune limite physique au savoir. Je n'avais pas de cerveau, seulement une conscience glorieuse de - Quoi ? L'âme peut-être... Évidemment au moment j'écris cela je ne sais pas tout et je ne peux que me rappeler des pensées et des expériences performées en cet état. J'avais voyagé à chaque extremité de l'univers de tous les moments du temps, et tout s'est passé sans aucune quantité de temps, car le temps est inexistant là où on n'est pas une entité physique. Je suppose que c'est le destin qui nous attend à notre mort ; je suis heureux que je sois parvenu à retourner de nouveau à la terre parce que, pour une fois, ma vie a une signification. Le fait même que je doive respecter des limitations dans la vie me donne un but de continuer.

Il est probablement difficile de comprendre ces choses mais je m'étais réveillé de ce voyage astral trempé d'une sueur froide, dans une partie inconnue des bois. Mes vêtements étaient en chiffons et je peux seulement essayer de deviner ce qu'avait été ma vie durant ces derniers moments de folie avant la transcendance. Désormais ma vie a un but, et ce but c'est d'exister et de vivre, ce qui peut sembler évident, mais certaines des choses les plus évidentes sont celles qui sont distordues dans leur sens et oubliées. Mon but était de vivre la vie et de mourir ensuite ; j'appréciais la vie parce que mon esprit organique illogique trouve une finalité dans chaque petite action que j'entreprends, je ne serai pas parfait jusqu'à ce que je sois mort et je fais bon accueil à cette nouvelle forme d'existence aussi, mais ces choses ne sont que des changements d'état, ni meilleures ni pires. Dire ce qui m'est arrivé après ce temps est absolument sans importance pour la morale car l'existence de chacun suit un chemin différent, le mien m'a ramené de nouveau vers la civilisation, mais certains choisiront de vivre en érmites jusqu'à la fin de leurs jours. Mon seul regret est que j'ai seulement commencé à comprendre si tard dans la vie, et que de si nombreuses personnes ne le font pas et ne le feront jamais ; le monde serait vraiment meilleur si plus de gens trouvaient leurs propres moyens de transcendance.

13 Décembre 2006

Our gratitude to "sofiana" for this translation.


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